Retour sur Broadway - Acte 2, scène 1 - Lamentation

Lamentation - Où il est question de kitsch

Première version : https://soundcloud.com/witold-bolik/lamentation-comment-jai?in=witold-bolik/sets/comment-jai-conquis-broadway

Non mais, franchement, qui prendrait au sérieux un opéra-rock au budget de zéro euro, réalisé et interprété par un obscur clermontois à la polonitude usurpée, fauché, volontiers fâcheux, en tout cas bien fâché, qui ne s'arrêterait pas au kitsch de tout ça ? Eh bien soit, assume-toi vieux witold, ne nous voilons pas le kitsch, et laissons libre cours à notre penchant pour la parodie. C'est l'idée de ce deuxième acte, "Starmanie dépressive" (Je voulais à tout prix mettre ce titre en blanc sur noir, je suis pas certain de la réussite de mon effet, mais bon). Je crois que la manie dépressive est un diagnostic passé de date, et qu'on dit à présent bipolaire. L'excellent "Ours bipolaire" ayant déjà été pris par un groupe, et n'ayant de toute manière pas de référence d'opéra-rock à l'ancienne avec "polaire" dans le nom, je me suis satisfait de ce jeu de mots-là. Et j'ai pris ce que je me rappelais de Starmania. Le plus bizarre est qu'il ne me soit pas venu à l'idée d'utiliser "J'aurais voulu être un artiste", je me serais sans doute fait mieux comprendre. Mais ça ne m'inspirait pas, ce morceau a été trop de fois déjà parodié. J'ai choisi, dans un premier temps, "Quand on arrive en ville", dont j'avais un vague souvenir et que j'ai réécouté. Balavoine, en loubard de l'époque, exprimant sa rébellion et évoquant la crainte que lui et sa bande inspirent aux citadins lorsqu'ils débarquent pour tout casser. Révolte ! Destruction ! Maquillage et skais cintrés ! Choristes des années 80 !

Et en exprimant ce qui me paraissait le point de vue de A quand lui, forcément seul, "arrive en ville", lui qui n'a ni bande, ni skai, ni choristes ni même révolte et plutôt la flemme de tout casser, j'ai écrit la chanson la plus triste que je me connaisse. Un blues du sédentaire coincé dans une ville enclavée et une vie à moitié périmée. Toujours moins d'une minute, mais en commençant à inclure dans les miniatures des silences embarrassants. Comme des bouts de ce silence glacial des solitudes urbaines, des amitiés défaites, des bisbilles moisies que la poussière accumulée n'aide ni à démêler, ni à oublier, et qu'on finit par considérer comme faisant partie des meubles moches et sales de cuisines étriquées et autre adjectif dépréciatif.

Pfiou, ça me déprime, tiens. Heureusement que mes cinquante et quelques secondes de gloire sur l'émission La Souterraine, dont le programmateur a choisi cette chanson, viennent apaiser quelque peu cette déprime et rappeler que tout de même, tout cela est pour rire. Sans compter le soutien de Christel, de Gérald, du webzine Adecouvrirabsolument, des amis de Bruxelles, de l'animatrice Sev et du soundman Enrico, de deux Fred de mes amis, de Virlo, du Chapelier, de tous ceux que je ne remercierai jamais assez. A la vôtre, les copains. Surtout, à la joyeuse ambiance, à l'esprit de communion, de partage, d'inlassable découverte, de Clermont-Ferrand, et à la remarquable vivacité de sa scène musicale, et des structures institutionnelles qui la transcendent, pour l'inspiration. J'en fais trop, peut-être ? J'arrête.

Je vous mets la version instrumentale réarrangée, que je trouve réussie ; je commençais à jouer de la basse et il y en a beaucoup ; du point de vue de la grille harmonique, il y a des similitudes avec Late Sad Song, que j'ai composée un peu avant. Bon, c'est du blues en somme. Pas du buzinessman, ou alors plutôt en faillite, mais bien du blues. L'idée amusante était de terminer sur un accord majeur triomphal sur le mot "déprimant", pour laisser espérer une suite un peu moins morose (et, comme vous vous doutez, immédiatement décevoir cette attente).

version instrumentale réarrangée :
https://soundcloud.com/fuligine/lamentation-guitares-et
Version 2015 :
https://witoldbolik.bandcamp.com/track/acte-2-starmanie-d-pressive-sc-ne-1-lamentation

Livret :
En ville. Après. 

1 - "Lamentation" 

(A n'a pas la grosse pêche. Comme l'indique la tierce majeure finale, ça devrait s'arranger sous peu.) 

Quand j'arrive en ville 
j'y reste 18 ans. 

Je finis par connaître un peu de gens... 

mais nous nous sommes tous montrés aux autres si souvent 
si décevants 
que nous ne nous connaissons 
plus tellement. 

c'est un paradoxe amusant 
paradoxalement 
déprimant.





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